Dans des discussion à bâton rompu pour convaincre des dangers des ordinateurs de vote, j'entends souvent me répondre

Vous avez l'esprit bien mal tourné, Monsieur. Il faut faire confiance dans la vie !

Quidam - Grand'Rue de Voreppe - Avril 2007


Et d'un naturel naïf, je suis effectivement toujours enclin à considérer les gens comme gentils et honnêtes.

Mais jusqu'à un certain point seulement. Ma confiance aveugle peut s'arrêter dès que le doute s'insinue et surtout que je n'ai pas de moyen de voir si l'on se joue de moi ou pas. Là commence alors l'examen critique.

Et c'est cet examen qui me fait remettre en question les ordinateurs de vote.

Comment par construction, le processus peut il m'assurer que je suis bien pris au sérieux, que je n'ai aucun doute à avoir sur la prise en compte de mon vote et mon indépendance d'expression ?

D'un coté, un processus de vote avec des outils tangibles : des bulletins papiers, une urne transparente, un isoloir, un dépouillement public et collégial.
Je suis donc assuré de par l'organisation même de l'élection que je pourrai voter en toute indépendance grâce à l'isoloir, que ma voix ferra bien partie du lot de dépouillement et qu'elle gardera la même valeur relative grâce à l'urne transparente (le bulletin ne peut s'échapper et la transparence de l'urne permet de vérifier qu'elle est vide au départ). Quand au dépouillement public et collégial, je suis assuré que les règles de calculs énoncées (1 bulletin = 1 voix) sont bien respectées.

De l'autre coté, avec les ordinateurs de vote, quelles assurances ai-je ?

Si le bureau était à peu près bien organisé, je pourrais disposer d'un isoloir et d'une relative tranquillité lors de l'expression de mon vote. Et c'est a peu près tout. (Et selon de nombreux témoignages, ce n'était de loin as le cas lors du 1er tour de l'élection présidentielles dans beaucoup de bureaux équipés, comme à Voreppe ou Voiron)

Est ce que je vais voter en toute indépendance, en secret ? je ne le sais pas.
Des expériences ont montré que les ordinateurs de vote étaient écoutables à distance. Il existe des réseaux sans fils Wi-Fi et même des réseaux par les fils électriques (c'est le CPL, Courant Porteur Ligne).
Est ce que ma voix ferra bien partie du lot de dépouillement ? je ne sais pas.
Ce n'est pas parce qu'un ordinateur affiche une chose à l'écran qu'il ne stocke pas autre chose. Je ne suis pas certain qu'ayant appuyé pour le candidat A, ce ne soit pas le candidat B qui ait été mis dans l'urne électronique.
Quand à la teneur des résultat et la méthode de comptage, là encore, je ne peux pas attester que 1 bulletin = 1 voix.
En moyenne, surement. Mais quelle est la méthode de calcul en détail ? N'y a t il pas des voix qui compteraient plus que d'autres? Là encore je ne peux rien dire.

Notons qu'il n'est pas nécessaire que ces bugs ou autres tricheries soient effectifs ou même possible. Le doute même que j'exprime vient entacher la sincérité du scrutin.

Comme dit plus haut c'est la collégialité du dépouillement qui valide le résultat d'un bureau. C'est pour ça que le dépouillement est public, fait par les citoyens et les spectateurs autorisés à circuler autour des tables comme le prévoit le code électoral.

Dans la validation du résultat de son bureau, c'est le citoyen qui atteste en son âme et conscience que les résultats sont bien ceux exprimés par ses concitoyens.
Impossible de l'attester avec un ordinateurs de vote
Le citoyen est obligé à un moment ou un autre de déléguer une de ses responsabilité. Un de ses devoirs. Celui de douter a priori pour pouvoir valider par la suite

Cette délégation de confiance peut s'apparenter à une délégation physique du vote. Quittons un moment la sphère technique dans laquelle nous enferme un ordinateur de vote et considérons le cas d'école suivant :

Au hasard dans la rue, aux abords de votre bureaux de vote, vous accostez un(e) inconnu(e)

Madame, Monsieur, vous êtes une personne tout à fait charmante et visiblement affable.
Je vais vous demandez d'aller voter à ma place et demande donc de mettre le bulletin pour la candidat A dans l'urne.
Je vous remercie vivement et vous souhaite un bon dimanche.

La personne ainsi mandatée, fort honnête, mettra surement le bulletin A dans l'urne
ou peut être bien celui de B
voire pourquoi pas celui de C

Horreur ! Qu'avons nous fait là ?
Quelle certitude pouvons nous en avoir sur notre vote et rencontrant la personne de nouveau, comment malgré ses dires pourra-t-elle nous le prouver ?


Notre affable mandataire, c'est l'ordinateur de vote, commandé par les programmeurs, la technique, les divers bureaux de certification ... etc ...
Ses dires nous assurant qu'il a bien mis le bon bulletin, c'est son affichage à l'écran.
Mais tout comme la personne physique, il lui est impossible de me prouver que le choix que j'ai demandé a bien été correctement pris en compte tout en gardant le principe du secret du vote individuel.

Nous comprenons alors que nous avons délégué notre confiance à un tiers qui peut ne pas respecter notre décision.

Un peu comme le vote par procuration, me direz vous ?
Oui, à la différence majeure que dans ce cas c'est un choix volontaire de déléguer sa confiance en une personne que l'on aura jaugé nous-même en prenant le temps nécessaire et des critères qui nous sont propres.
Le vote par procuration n'est pas une délégation de confiance imposée comme pour les ordinateurs de vote, délégation le plus souvent d'ailleurs à des personnes à la fois juges et parties dans l'élection.

Donc en conclusion, toutes les personnes dans un bureau de vote, présidents, assesseurs, citoyens qui avaient le devoir de valider l'élection ne peuvent désormais plus que déléguer leur devoir à autrui et faire confiance.

Mais la confiance n'est pas un principe démocratique ! C'est le doute et la certitude pour chaque citoyen de ne plus en avoir qui l'est.